dimanche 8 avril 2007

Je n'suis pas folle vous savez.....

Lors de mon entretien d’embauche avec la directrice, j’ai évoqué que j’utilisais comme support éducatif la nature. Je propose d’ailleurs à cet effet de créer un partenariat avec la S.P.A et les personnes âgées, en partant du principe que temps que l’on est vivant on est utile et tant que l’on est utile on est vivant .Pourquoi ne pas proposer aux résidents, alors, d’être bénévoles en promenant des chiens toutes les semaines. L’idée enthousiasme mon interlocutrice qui m’offre le poste sur le champ, d’autant que cette idée ne se fait encore nulle part et que les effets bénéfiques sur les pensionnaires sont prévisibles : valorisation de l’ego, ouverture sur l’extérieur, facilité du transit intestinal grâce à la marche à pied. Dés la fin de la première sortie, la maison de retraite est prise d’une fièvre canine tout le monde ne parle plus que de la S.P.A. Madame Gallin qui faut l’avouer est une vrai teigne et prend un malin plaisir à martyriser son entourage surtout sa copine Henriette qui est son véritable souffre douleur est heureuse ce soir. Elle dit à qui veut l’entendre qu’elle est tellement de bonne humeur qu’elle mangera de bon cœur. Monsieur André exprime sa joie et compare sa solitude à celle des chiens qui eux aussi attendent de la visite Notre aventure commence à faire beaucoup parler d’elle, Et c’est ainsi, que la célébrité gagne notre établissement et nos résidents. En ce début d’après midi pratiquement, tous les résidents sont dans leur chambre pour une sieste avant le goûter Hormis deux ou trois personnes qui sont restés à leur table. L’agent de service Henriette qui balaie la salle est une personne qui ne m’apprécie guère, prendre du temps pour parler avec les résidents c’est du temps perdu. En passant, j’entends des cris, ils viennent du fond de la salle de restaurant. C’est Madame Carton un tout petit bout de femme frêle comme un moineau. Henriette intervient avant que j’aie eu le temps de m’approcher « La ferme Madame Carton, votre goûter vous l’aurez tout à l’heure » en me voyant m’approcher, elle me toise, très sure de son bon droit, après tout ça fait plus de 25 ans qu’elle travaille ici, « laisses, celle là, elle complètement folle ».Je ne réponds pas et je m’assoie face à elle, je lui prends les mains et la salue .Elle continue à crier malgré tout .Elle tient dans ses mains un petit bout de carton, qu’elle me tend ou il est inscrit : « je ne suis pas folle, mais simplement atteinte de la maladie de Parkinson et si je crie c’est parce que je suis en crise. J’apprendrais plus tard, que la maladie est tellement forte chez elle, qu’elle lui contracte la mâchoire et les cordes vocales, qu’elles ne contrôlent plus alors. Son regard perdu me touche beaucoup, je tente de la calmer et lui certifie qu’en effet elle n’est pas folle et que nous allions le prouver ensemble à tout le monde. Je passe un moment avec elle et ensuite retourne à d’autres occupations. Quelques jours plus tard, une femme vient me voir, elle se présente comme la fille de Madame Carton, sa maman lui a parlé du moment que nous avions passé ensemble et viens m’en remercié. C’est une jolie femme qui dégage une chaleur humaine et une tendresse évidente. Comme j’ai un peu de temps devant moi je fais un bout de chemin avec elle .Dans l’escalier, elle me parle de sa maman, de son passé de famille d’accueil, des déguisements que Madame Carton cousait pour ses petits enfants. Et surtout du chagrin à cause des dégâts que la maladie a provoqué tant sur le plan physique que psychologique. En l’écoutant, je prends conscience que Madame Carton avant d’être malade et âgée a été une femme jeune souriante avec une histoire des envies et des besoins. En fait, je prends conscience tout simplement, que les vieux avant d’être vieux ont été jeunes, ça parait idiot à dire mais c’est le fondement de notre métier. Touché par l’histoire de Madame Carton, j’ai demandé à la prendre en charge quotidiennement. C’est ainsi, que chaque matin, je viens lui faire sa toilette, et nous discutons de tout et de rien. Un beau jour, j’apprends qu’une chaîne de la télévision nationale souhaite faire un reportage sur notre périple avec nos amis à 4 pattes .c’est l’effervescence dans l’établissement, la directrice s’enferme dans le bureau pour préparer son discours devant les caméras. Discours qu’elle n’aura d’ailleurs pas l’occasion de lire, (elle m’en voudra d’ailleurs longtemps par la suite).Une idée me vient et si Madame Carton faisait partie de l’aventure médiatique, et c’est ainsi que ma petite bonne femme paré d’un beau chapeau rouge et de sa plus belle robe a pois a promené devant des millions de spectateurs un chien, bien qu’elle soit en fauteuil roulant scotchant et clouant le bec de beaucoup de mauvaises langues. Quelques jours après, sa fille est revenue me voir pour m’embrasser et me répéter les mots de sa maman : « Vincent, il est bon pour moi, il me demande toujours ce que je veux mettre comme vêtement, et il m’a fait voir que je pouvais encore servir à quelque chose…. »Ce soir là, je suis reparti chez moi le cœur plein de joie, C’EST VRAI QUE C’EST BIEN DE SAVOIR QUE L’ON SERT A QUELQUE CHOSE.

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